Non.
Quel est le non que tu as dit et qui a le plus transformé ta vie ?
C’est la question que Maéva, notre stagiaire, m’a posée.
J’ai fermé les yeux un instant… et j’ai revu cette scène, gravée en moi.
Non, je ne vais plus travailler dans l’entreprise familiale.
J’avais 21 ans. J’attendais ma fille, Chloé.
À l’époque, je travaillais sans compter. Tout le temps.
Les journées s’enchaînaient, les semaines aussi.
Pas vraiment de pause. Pas vraiment de place pour respirer.
Encore moins pour rêver.
Je faisais tout pour bien faire. Pour être à la hauteur. Pour mériter ma place.
Mais au fond, je m’épuisais dans un rythme qui ne me ressemblait pas.
Un jour, j’ai osé exprimer une envie simple, une envie de mère :
"Quand Chloé ira à l’école, j’aimerais être avec elle le mercredi, le samedi, et pendant les vacances scolaires."
La réponse a été immédiate, tranchante, sans nuance :
"Non, c’est impossible. Tu es indépendante, tu travailles quand les autres sont en congé. C’est comme ça."
Ce jour-là, j’ai encaissé un choc.
Comme si tous mes élans de tendresse et d’équilibre avaient été balayés d’un coup sec.
J’ai pleuré. J’ai ressenti une tristesse immense. Une forme de résignation aussi.
Et puis… quelque chose s’est éveillé en moi.
Un non, timide d’abord, a commencé à se former.
Non, je ne veux pas de cette vie.
Pas une vie où l’on s’oublie. Où aimer devient un problème d’agenda.
Ce courage, je l’ai trouvé dans l’amour que je portais à ma fille.
Parce que je voulais lui offrir mieux.
Pas une mère parfaite. Mais une mère présente.
Une mère libre de ses choix.
Alors j’ai dit non.
À mes associés, à ma famille, à ce chemin qui n’était pas le mien.
Et quelques mois après avoir donné naissance à Chloé, je donnais naissance à ma première entreprise.
Un petit début. Une grande libération.
Ce non m’a tout offert.
Il m’a permis de me découvrir en tant qu’entrepreneure.
Libre de mes décisions, de mes horaires… et aussi de mes erreurs.
Et il y en a eu un paquet. Mais elles faisaient partie du chemin.
Ce non m’a permis de vivre ma maternité comme je l’avais imaginée —
pas parfaitement, non.
Mais parfaitement moi.
Et ça, c’était déjà immense.
Il m’a permis de devenir une leader pour mon équipe.
De créer une entreprise que j’ai aimée pendant vingt ans.
De vivre une vie alignée, pleine, choisie.
Et puis, vingt ans plus tard, ce même non m’a donné la force d’en poser un autre.
Non, je ne veux plus faire ce que je fais aujourd’hui.
Et j’ai vendu mon entreprise.
Encore un non…
Et encore une création.
Encore un virage.
Encore une renaissance.
Gand, ville belge magnifique !
Un grand départ. Une nouvelle ville. Une autre langue. Une autre vie.
Tout était à (ré)inventer.
Ce fut un mélange de vertige… et d’élan.
Je suis arrivée avec mes valises, mes enfants, mon histoire, et mon envie de vivre autre chose.
Il a fallu trouver nos repères. Une nouvelle école pour les enfants. Un nouveau quotidien à apprivoiser.
Et, en parallèle, de toutes nouvelles responsabilités professionnelles. XXL, même.
Je me suis retrouvée à guider une très grande équipe.
À apprendre vite, à m’adapter, à écouter, à fédérer, à construire.
Et en même temps… à déposer certaines certitudes, à faire de la place pour autre chose.
À Gand, j’ai grandi.
J’y ai découvert une autre manière de manager.
Tenir un cap… sans perdre son cœur.
J’y ai vécu des rencontres fortes, parfois bouleversantes, souvent inoubliables.
Ce chapitre m’a transformée.
Il m’a permis de relier mes racines et mes rêves.
D’honorer mon parcours… tout en m’ouvrant à une nouvelle version de moi-même.
Ce n’était pas une parenthèse.
C’était un tremplin.
Et ce que j’ai appris là-bas m’a suivie partout depuis.
Dans chaque projet.
Dans chaque accompagnement.
Dans chaque mot que je choisis pour transmettre ce que j’ai traversé.
Et puis… encore un non.
Un de ceux qui arrivent sans faire de bruit, mais qui prennent toute la place dans le cœur.
Non, je ne veux plus vivre loin de Chloé.
Ma fille.
Celle que j’avais voulu accompagner, enfant.
Celle qui, désormais, devenait femme.
Elle avait construit sa vie. Elle attendait son premier enfant.
Et moi, je sentais qu’un autre rôle m’appelait.
Celui de grand-mère.
Pas une grand-mère lointaine. Une grand-mère présente, impliquée, là pour les petits moments qui comptent.
Alors un jour, j’ai su.
Ce non s’est imposé, simple et limpide :
Non, je ne vais pas prolonger cette aventure à Gand.
Je rentre.
Je rentre à Malmedy.
Pas pour fuir.
Mais pour choisir à nouveau.
Choisir d’être là. Choisir de revenir à l’essentiel.
Choisir l’amour, une fois encore.
Ce départ, ce retour, ce nouveau “non”, ce fut un autre tournant.
Et, comme les autres, il a ouvert un chemin que je n’aurais jamais pu imaginer.
Et ce non…
C’est ma vie d’aujourd’hui.
Ce non a créé un retour.
Et ce retour a tout réouvert.
Un nouvel ancrage.
Un autre chapitre.
Ce non, c’est le point de départ du cabinet Coach²,
qui a donné naissance à Color Profil,
qui, à son tour, a fait émerger l’IBC,
et même… les mots que tu es en train de lire, là, maintenant.
Ce non a planté des graines que je n’imaginais même pas.
Il m’a permis de retrouver Chloé.
Et d’être là, vraiment là, pour accueillir Fleur.
Ma petite-fille.
Profiter d’elle. La voir grandir.
Rire avec elle. L’écouter. La porter.
C’est simple, oui. Mais c’est immense.
Et ce que cela crée en moi,
c’est encore plus de douceur.
Encore plus d’empathie.
Encore plus de liberté.
Et, sans doute, encore plus d’émoi.
Ce non, dit il y a des années, continue à tracer mon chemin.
Un chemin plus vrai, plus lent parfois, mais tellement plus vivant.
Peut-être que toi, en lisant ces lignes,
tu te dis que tu ne sais pas dire non.
Je te comprends.
Moi non plus, je n’aime pas dire non.
Ce n’est jamais confortable.
Ce n’est pas dans ma nature.
Et pourtant…
J’ai appris à regarder l’essentiel.
À écouter ce qui compte vraiment.
Et je sais maintenant que lorsque le sens du non est trouvé,
le courage suit.
Et juste après le non…
Il y a parfois bien plus que ce qu’on avait imaginé.
Des cadeaux inattendus.
Des rencontres.
Des projets.
De l’amour.
Alors si un jour tu es face à un choix difficile,
ne cherche pas d’abord le courage.
Cherche le sens.
Trouve le sens… et la vie s’occupe du reste.
Merci Maéva, de m’avoir posé cette question.
Elle m’a rappelé, une fois encore, que l’essentiel dans la vie,
c’est justement de vivre l’essentiel.